Chapters

Bobo, la bête dit du pont d’Auze,  le prince de la bière ou encore Achille Zavatta , vous vous souvenez ? Non ? Allez donc voir au numéro 11 place George Pompidou à Mauriac. C’est encore mieux que la feuille de chou locale ! Sacré Pierrot, il savait dépeindre le moindre fragment de vie du village. Jusqu’à sa mort en 1982, nombreux sont ceux qui sont passés devant la vitrine de son dépôt de pain pour se tenir informés des dernières nouvelles (ou ragots) relatés dans ses dessins ; lorsqu’ils ne repartaient pas avec en cadeau.

C’était quelqu’un qui vivait dans cette poésie de la vie – Bernard Zanchi

Artiste ? Pierrot Cassan n’a jamais voulu l’être. Pourtant, ses œuvres sur carton sont reconnues comme un témoignage particulier à la frontière entre l’art brut et l’art naïf. Fernand Léger, le peintre de Brageac Marcel Mazar, certains parlent même de Jean Dubuffet, premier théoricien de l’art brut, ou encore de l’artiste Bernard Buffet. Autodidacte et passionné, s’enrichissant de leurs conseils tout en revendiquant de peindre comme il lui plaisait, Cassan fait de manière singulière le portrait vivant de Mauriac, dont aujourd’hui certains se rappellent. Etudiants en Master Direction de projets culturels à Clermont-Ferrand, nous vous avons interrogés pour déchiffrer plus de 450 œuvres d’un homme, qui n’était autre que Pierrot. Humble, ses peintures sont la chronique de Mauriac des années 40 aux années 80.

Allez Pierrot, raconte nous donc Mauriac …

Pierrot ...
Zoom technique au Fragment 10
vue-centre.jpg

A vélo ou en moto, prenez part à ce cérémonial

Fragment 1 : Introduction

Fragment 2 : « Mauriac (Cantal) » – La ville aux sept collines

Fragment 3 : « Tante Julie, Marinette, Maître Brousse, Pilule… » – portraits ou caricatures des Mauriacois ?

Fragment 4 : « La Bergère aux champs » – vie rurale et économique

Fragment 5 : « Ici la pétanque mauriacoise » – Sportifs et pas que du dimanche 

Fragment 6 : « La Saint Mary à Mauriac » – foires, fêtes chrétiennes, foraines et autres festivités…

Fragment 7 : « La mode 1913 »  – peindre en temps de crise

Fragment  8 : « George Pompidou, Mao, Eddy Mitchell, Les Pieds nickelés ou encore l’Aiglon » – actualité politique et culturelle par-delà les collines

Fragment 9 : « Pour l’amour d’une poule, Combat de coq à Mauriac, Assassin » – anecdotes, ragots et faits divers mauriacois

Fragment 10 : zoom technique – Art brut ou Art naïf ?

La ville aux sept collines…

Le décor ? Un amphithéâtre naturel encadré de sept collines. Avez-vous seulement repéré les détails de la toile ? Perchée au sommet du Puy Saint-Mary, une chapelle offre à la vue l’immensité des Monts du Cantal. Le Puy du Sancy, le plateau de Millevaches, le regard se perd à l’horizon. Il n’y a que l’apaisement, qui ferait presque oublier le passé volcanique du Puy Saint-Mary. Plus bas, un ruisseau s’écoule. C’est le ruisseau Saint-Pierre, dont la course s’achève dans les eaux de l’Auze. Si elles ne manquent pas de poissons, vous percevrez peut-être quelques marmots barbotant avec un fameux Pierrot.

C’était notre maître nageur. Il nous a appris à tous, à presque tous, à faire trempette – Roger Delmas

D’une toile à l’autre, les couleurs changent au fil des saisons. Quelques touches de violet sur le Puy Saint-Mary au printemps. Pique-niques et bouquets sont au rendez-vous. Quelques touches de blanc dans le ciel d’hiver, dont les flocons recouvrent le sol d’au moins 80 centimètres de neige ! Là, il ne s’agit pas d’un chemin, mais de la trace des cartables sur lesquels glissent les bambins. Par delà le tableau, vous les entendez peut-être ? Des rires, des chants grivois s’élevant de cafés, des aboiements mêlés à des miaulements…  Le train en provenance d’Austerlitz entre en gare : bienvenue à Mauriac.

Occuper la place de Mauriac, tout un art de vivre

Portraits ou caricatures des Mauriacois ?

Il est temps de s’intéresser aux personnages. Qui sont-ils ? Des enfants des villages voisins allant à l’école dans la « grande ville », des bigotes se rendant à la messe du dimanche matin pour écouter le curé aux mœurs douteuses, les coqs se battant pour la belle du village, les « mères chats » avec leur cabas rempli de pain …  Aussi colorés que les œuvres de Cassan, les habitants de Mauriac sont un de ses sujets de prédilection. Les cibles de Pierrot ne sont pas anodines, et l’ont très certainement marqué d’une manière ou d’une autre.

Son expression à lui c’était de peindre les faux pas – Francis Frutière

« Personnages emblématiques » comme Totor et Totorine, stéréotypiques telle la fileuse, les œuvres de Cassan lui permettent surtout de dresser un portrait humoristique de la vie mauriacoise. A travers sa peinture, certains y voient une critique des gens de la ville, particulièrement des notables dont il soulève les « faux pas ». Feuille de chou imagée, certains s’y pressent pour avoir les dernières nouvelles (ou ragots). Par une approche sensible, les œuvres de Pierrot figent alors des instants dans le temps, et capturent l’exceptionnel du quotidien.

Les gangs de Mauriac

La bonne adresse des bambins …

La clinique ? Non M. l’Empereur, ici on soigne les vélos 

Pierrot, une personne « ordinaire extraordinaire »

C’était notre grand frère – Roger Delmas

Vie rurale et économique 

Parmi ces personnages, il y a les commerçants. Acteurs du quotidien, ils sont au cœur de la vie du village. Vous ne pouvez que les croiser. Du café du matin à la bière du soir entouré des copains, les cafés et bars sont des lieux de sociabilité incontournables. Qui n’y passe pas au cours de la journée ? Bien plus que le tissu de cafés mauriacois, les commerces font le lien entre les habitants ; un lien trouvant originellement ses racines dans la culture de la terre. Des corvées aux champs au ramassage des pommes, les travaux agricoles réunissent ensemble petits et grands. Une vie de petits commerces et de marchés bousculée par l’arrivée des premiers supermarchés à la fin de la guerre, et le début du tourisme avec le retour des Auvergnats de Paris …

A Mauriac, il n’y avait que trois boulangeries : une à la gare, une au carrefour d’Aurillac, une autre rue Saint- Martre, et une pas loin de la place (…) le bas de la ville perdant une boulangerie, on lui a proposé de descendre le pain de la boulangerie de la gare. Il faisait sa navette tous les jours, ça a été son principal travail – Roger Delmas

« Pierrot va chercher le pain ». Il partait, on discute trois mots, tac, il était de retour avec le pain. On s’étonnait de la vitesse dont il faisait ça – Bernard Zanchi

Une vie artisanale et rurale…

… sans oublier ses commerces ! 

Sportifs, et pas que du dimanche

Tu tires ou tu pointes ? Rien n’arrête la pétanque mauriacoise, pas même les grands froids d’hiver ou les chaleurs caniculaires de l’été. On ne plaisante pas à Mauriac. Le sport c’est du sérieux. Il en faut dans les guibolles pour monter le Puy Saint-Mary à vélo ; une montée mauriacoise emblématique. L’agilité est aussi de mise lors des jeux de tauromachie, célébrant l’importance de l’élevage bovin à Mauriac. Il faut également faire preuve d’équilibre, mais aussi de discernement pour parier sur le bon tiercé gagnant. Espérons que vous soyez chanceux car les concours hippiques sont nombreux. La ville aurait peut-être même accueilli de grandes figures comme la double championne olympique, Janou Lefèbvre. Cependant, les sportifs mauriacois par excellence restent les pompiers. Le soir venu, il faut arroser la victoire. Si le nez est légèrement rougi, ce n’est pas à cause des coups… Enfin presque pas. Quoi qu’il en soit, les « deux catcheurs » du village ont le dernier mot.

Les Rocky Balboa Mauriacois

Foires, fêtes chrétiennes, foraines et autres festivités…

Exceptionnel du quotidien, les fêtes ne pouvaient être oubliées. Moments de liesse où la population se retrouve, elles rythment le calendrier mauriacois, qui, en dehors des dates traditionnelles, dispose des ses propres manifestations. A ne pas manquer !

Après je sais que le premier janvier, on allait chez la mémé, Gaby et Tonton Pierrot. On était petit. Et elle nous donnait les étrennes et elle nous sortait les tout petits verres à liqueur en haut là dans la chambre. (…) Et je me rappelle, avec mon frère qui était plus petit puisqu’on a 3 ans d’écart tous les deux, on disait « on fait cul sec ! » – Béatrice Laroche

Foire Saint-Mary

Aussi appelée fête des pagis ou des paysans, elle occupe une place centrale dans l’histoire de Mauriac. Au XIème siècle, la comtesse Ermengarde confie les reliques de Saint-Mary, discipline du premier évêque de Clermont, au monastère bénédictin Saint-Pierre de Mauriac. Placées dans une chapelle construite à postériori sur l’une des collines de la ville, elles attirent rapidement un très grand nombre de fidèles, mais aussi des marchands. Une fête se greffe alors sur ce pèlerinage. Elle est officiellement instaurée le 8 juin 1472. Dentelle, cire, cuire, toiles, la foire se distingue surtout par les ventes de bœufs et de chevaux ; toujours vedettes aujourd’hui de l’évènement. Pour autant, la reine du jour reste la cerise. Pendue aux oreilles, il n’y a plus qu’à aller s’amuser à la fête foraine ! 

Une foire « magique »

De la procession religieuse à la fête foraine

Autre moment important dans la vie des Mauriacois : La fête Notre-Dame-des-Miracles. Prenant de l’ampleur avec l’arrivée des Jésuites en 1563, de gigantesques processions accompagnent la statue de la Vierge Noire alors célébrée en cette semaine mariale. Fête religieuse majeure, ce n’est pourtant pas pour elle que les enfants économisent toute l’année. C’est le moment à ne pas rater : l’arrivée de la fête foraine. Pas de panique, contrairement à la semaine mariale, elle s’installe pendant tout le mois de mai à Mauriac. Vous connaissez déjà certainement quelques forains comme les Lapalu. Il y a aussi les petits nouveaux. Chenille, auto tamponneuses, la fête foraine fait rêver avec ses « manèges modernes ». Alors qui attrapera le pompon ?

Des petits chevaux de bois à la chenille « couverte » 

Cirque

Un tigre du bengale à Mauriac ? Mais oui, le cirque vient de s’installer en face de l’hôpital ! Le Barnum Circus ? le Modern Circus ? De Achille Zavatta aux Albertini, nombreux sont les artistes qui ont planté leur chapiteau à Mauriac. Ils n’ont d’ailleurs pas manqué de bousculer la vie des habitants. Femme à barbe ou panthère, l’éléphant Toli ou les numéros de motos vus dans l’émission La France à un incroyable talent, la place centrale de Mauriac accueille aussi de plus petites troupes comme le cirque Pilili avec ses chèvres et son bouc. Que le spectacle commence !

Mesdames, Messieurs, le cirque fait son entrée à Mauriac ! 

Bals populaires

Entendez-vous? Est-ce Alsac et son accordéon, Fayolle ou encore Thivet ? Pour les plus chanceux, vous entendrez peut-être même Pierrot jouant du violon. Il est temps d’entrer dans la danse, car dès les années 1960-1970 les bals et leurs rythmes entraînants sont remplacés par la modernité et les boites de nuit. Des groupes folkloriques se présentent alors comme les héritiers de ces traditions, mais qu’en était-il vraiment ?

En avant la musique ! 

 

Peindre en temps de crise

Avez-vous remarqué ce changement de ton ? Traduit-il des temps difficiles ? Pierrot peignait-il par là ses états d’âme ? Ces hypothèses cherchent à élucider un mystère : les peintures en noir et blanc. Au milieu des œuvres saturées en couleurs, Pierrot a aussi usé de teintes plus sombres. Sans date, difficile d’identifier la cause de ce changement, et ce d’autant plus que certaines peintures évoquant la Seconde Guerre mondiale sont en couleurs. La réponse oscille sûrement entre les deux. Quoi qu’il en soit, si certaines œuvres conservent une pointe d’humour, Pierrot dresse là un tout autre portrait de Mauriac, plus nostalgique et en proie aux épreuves du temps.

Peintures nostalgiques

Seconde Guerre mondiale

Elle a marqué votre mémoire. Nombre d’entre vous ont déjà partagé ces quelques souvenirs avec leurs petits enfants, non pas sans douleur. La guerre est un temps à part. Mauriac n’a pas été épargné et le souvenir des Allemands comme du foyer de Résistance constitué par les travailleurs du service constructeur des barrages hydroélectriques de Haute Dordogne, qui avait notamment en charge le barrage de l’Aigle près de Mauriac, persistent encore en mémoire. 

Justement, la Mémé Gaby, elle était sortie pour aller à l’église, et la maman s’était rappelée que le Tonton Pierrot avait appelé. Ils avaient mis en joue mon arrière-grand-mère, les Allemands – Béatrice Laroche

Actualité politique et culturelle par-delà les collines

Tiens cette peinture me rappellerait bien quelqu’un … J’ai dû le voir dans le journal, ou alors à la télé lorsqu’on était chez Marty … C’est ainsi que l’actualité politique et culturelle se retrouve dans les œuvres de Pierrot. Parfois, elles témoignent d’une ressemblance assez troublante avec des clichés ayant circulé. Ses peintures se font alors témoin de leur temps, contant la petite histoire dans la grande. Pompidou à Mauriac, qui l’aurait cru ? As-tu entendu la dernière d’Eddy Mitchell à la radio ? Non, j’étais en train de lire Les Pieds Nickelés. Moi, j’ai surtout entendu parler du dernier film de Josine van Dalsum.

Un invité très attendu …

Anecdotes, ragots et faits divers mauriacois

Mais tu savais que … Ah bon ? Il paraît que … C’est elle qui me l’a dit… Dans un petit village, les rumeurs vont vite et font l’exceptionnel du quotidien. Gare à celui affiché sur la vitrine de Pierrot. Cocus, coureurs de jupons, femmes aux mœurs légères, les sujets grivois sont la coqueluche des commères. D’autres actualités locales ont davantage le goût amer du fait divers. Sur la vitrine plus de Qui suis-je? , mais un avis de recherche. La bête du Pont de l’Auze ? Ce n’est pas Bobo ! Eh oui, un singe à Mauriac ! Qui l’aurait cru? Pendant, ce temps des poissons rouges pataugent dans le lavoir…Tout est possible. 

Un singe à Mauriac !

Drôle de lessive 

Une petite aventure pour Pierrot ? 

Art naïf ou Art brut ? 

Tous deux exécutés par des artistes autodidactes hors des règles académiques, l’art naïf et l’art brut diffèrent.

  • Art naïf : Pas si naïf, cet art s’est structuré en différentes écoles et est reconnu comme un style à part entière. Portés par une passion artistique, les autodidactes réalisent des œuvres racontant un monde idéal en miniature (scènes de vie, portraits…). Non respect de la perspective, formes grossières, et couleurs saturées, sont autant de caractéristiques de cet art.
  • Art brut : A l’image du palais du Facteur Cheval ou du Manège de Petit Pierre, les œuvres des artistes bruts sont éclectiques, usant de matériaux peu communs. Elles naissent du geste instinctif et invitent l’artiste à réinventer son monde. Il est considéré comme “l’art des fous », mais apparaît davantage comme une forme d’exutoire, de réponse à la réalité des artistes. 

Et Pierrot dans tout ça ? 

Naïf, brut, je ne sais pas – José Dubreuil

 

Be the first to leave a comment!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.