A l’institut d’enseignement supérieur de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et environnement, VetAgro Sup de Clermont-Ferrand, nous sommes 20 étudiants à avoir choisi le module : “Approches socio-ethnographiques de la valorisation des patrimoines ruraux”. En partenariat avec l’AMTA, nous nous penchons sur les traditions de confiserie en Auvergne. En recueillant des témoignages d’acteurs liés à ce sujet sur le territoire clermontois, nous essaierons de voir quelles sont ses origines et ses perceptives.
Vous pouvez retrouver tous les témoignages des personnes rencontrées dans les articles qui suivent.
Mais avant d’écouter ou de lire tous ces témoignages, une petite explication …
Pourquoi sommes-nous allés enquêter en Auvergne ?
Sur le territoire Clermontois se regroupait un grand nombre de confiseurs de renom. Les confiseurs clermontois, au XVIIe siècle, étaient considérés comme « les meilleurs de toute la France » (Auvergne – Produits du terroir et recettes traditionnelles, Albin Michel, Conseil Interconsulaire d’Auvergne-Région Auvergne).
De plus, les vergers présents jusque dans les années 1950 encore produisaient nombre de fruits qui étaient alors utilisés dans la confiserie. Le plus connu d’entre eux était l’abricot blanc d’Auvergne, mais il y avait aussi d’autres produits comme les fraises, les myrtilles, les prunes, etc. et bien sûr l’angélique – que les anglais consomment beaucoup notamment comme fruit confit dans des gâteaux. Ils se fournissent d’ailleurs en France car il trouve que l’angélique y est de très bonne qualité.
Déjà à l’époque, les confiseurs avaient une relation avec l’étranger. En effet, on retrouve des commandes de boîtes pour confiseries originaires du Japon ou encore des lettres échangées avec des clients à l’autre bout du monde.
Dans des livres (1880 et 1948) il a également été retrouvé que tout l’art du confiseur était d’être capable de faire une gamme de produits sucrés diverse, contrairement à aujourd’hui où chacun s’est spécialisé.
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Frise de différents documents, illustrations, objets de 1800 à 1940.
Mardi 28 février 2017
Visite de la confiserie Cruzilles
Mardi matin 8h00, rendez-vous sur le parking de l’usine. Nous étions tous là en compagnie de Madame Martin (portrait ci-dessous) pour découvrir le temps d’une matinée la dernière confiserie auvergnate.
Rencontre avec Clément MERITET
Clément Méritet est un arboriculteur en agriculture biologique et ancien technicien arboriculteur au GRAB (Organisme français de recherche, d’expérimentation et d’information sur les techniques de production en agriculture biologique).
La région clermontoise est particulièrement propice à l’arboriculture en raison de ses caractéristiques pédoclimatiques. Il existait une ceinture vivrière autour des villes, et notamment de Clermont, qui comptait un nombre important d’arbres fruitiers et de vergers. Cependant, aujourd’hui, ces zones sont confrontées à une forte pression foncière.
Aujourd’hui, une dynamique d’installation en arboriculture sur le département du Puy de Dôme est en cours. Six jeunes agriculteurs se sont installés avec des vergers de 2 à 6 ha. Cependant l’abandon de l’arboriculture durant quelques décennies a abouti à une perte des savoir-faire techniques. Un espace test a ainsi été créé pour aider les jeunes agriculteurs à acquérir à nouveau ces techniques et dans un même temps de tester de nouvelles variétés d’arbres fruitiers.
Rencontre avec Henri LAURENT
Retraité Michelin, Clermontois depuis 20 ans et fils d’agriculteurs, Henri LAURENT est aujourd’hui le vice-président de l’association des jardiniers d’Auvergne. Il organise des rencontres entre professionnels et amateurs pour les former en arboriculture. Il possède lui-même un modeste verger avec pommes (Belle de Boskoop), abricots (Roussillon et Le Luizet), cerises, prunes (Boule d’or), fraises…
Vous ne pouvez pas savoir quand un jour vous décidez comme ça à table, vous mangez une pomme, vous voyez un pépin, c'est bénin un pépin ; tiens je vais en faire un arbre, il grossit il devient gros comme le petit doigt là. Un jour 4-5 ans après, une prune, une pêche ; vous ne pouvez pas savoir le goût du premier fruit... parce que c'est vous qui l'avez fait !
Rencontre avec Myrtille IVA
Myrtille IVA, fille de M. IVA connu dans la région pour le commerce de fruits (fraises, myrtilles, abricots, pommes …). Elle présente ce dernier dans la vidéo qui suit.
Son père était un passionné. Il a toujours eu un impact important sur son entourage et aidait les petites entreprises à se développer notamment en partageant son savoir-faire.
Myrtille en donne quelques exemples:
- La création d’une entreprise pour la fabrication de paniers en peuplier
- L’amélioration des pistes de l’aéroport d’Aulnat pour les avions à destination de l’international…
Enfin, aujourd’hui encore, elle a rencontré une dame qui l’a remercié pour ce que son père avait fait pour elle et sa famille. En effet, M. IVA avait prêté de l’argent à cette dernière et son mari pour les aider à lancer une entreprise de transport, entreprise qui existe toujours aujourd’hui et qui appartient désormais au fils du couple.
Une petite action peut avoir des répercussions importantes sur un territoire et ses habitants. D’un homme arrivant d’un autre pays avec ses propres idées et une volonté de fer a finalement résulté un développement social et économique local.
Mais, au fil du temps, les différentes productions fruitières ont commencé à disparaître…
L’ambition de Myrtille IVA, depuis son retour dans le Puy-de-Dôme, est de relancer le mouvement de production et d’exploitation des fruits. En effet, les myrtilles par exemple, sont aujourd’hui toujours présentes mais plus du tout exploitées.
En effet, à cause de problèmes de propriété
« ce jardin est à moi et pas au voisin, il n’y a pas de raison que le voisin vienne y cueillir des fruits »
mais aussi des problèmes de débouchés
« qui va utiliser les myrtilles ? »
ces fruits sont complètement laissés de côté et finalement, une croix est faite sur un potentiel économique.
Myrtille Iva essaie aussi de sensibiliser les transformateurs de fruits en Auvergne sur l’importance de l’origine de leur matière première.
Finalement, comme son père, elle souhaite mettre à profit les ressources de son territoire pour les gens qui y vivent et c’est peut-être ça, le plus bel héritage que M. IVA lui ait laissé.
Rencontre avec René RAGUENAUD
Originaire de Vendée, M. Raguenaud est ingénieur en agro-alimentaire. Dans sa carrière, il fût notamment directeur de la sucrerie Bourdon de Clermont-Ferrand de 1988 à 2005. Passionné de l’histoire de son usine, il conserve tous les documents qui la concernent, mais aussi les outils qui servaient au travail du sucre. Lors de notre rencontre, M. Raguenaud nous a notamment présenté le marteau à sucre qui était utilisé pour tailler le pain de sucre selon les besoins.
Il nous a aussi présenté un poème écrit par J.Dumas s’intitulant « La Betterave à Sucre »
[…]« J’admire ta peau blanche et lisse,
Ta taille fine comme un jonc
Ta chair ferme comme la cuisse,
D’une nymphe de l’Hélicon
Dans ta fusiforme racine
S’amassent les sucs généreux
De la saccharose divine
Qui rend nos muscles vigoureux » […]
C’est grâce à cette présence locale de sucre en Auvergne au cours du XIXe siècle que la confiserie a pu se développer. Alors qu’il existait une sucrerie à Malintrat, Saint-Beauzire et Chappes, celle de Bourdon est la seule à avoir pu perdurer sa production.
Rencontre avec Martial RAY
M.RAY, maître artisan chocolatier-confiseur-pâtissier est depuis longtemps dans le métier. Il a toujours vécu en Auvergne. Dans un premier temps, il partage ses souvenirs du territoire auvergnat, en termes de production. Il explique ensuite où il se fournit et présente son expérience de la confiserie.
Mercredi 1 mars 2017
Rencontre avec Hélène MARTIN
Hélène Martin amatrice de confiserie depuis l’enfance nous fait partager sa passion et son travail conséquent de collecte et d’archivage. Fondatrice de l’association Puy Confit ®, elle consacre aujourd’hui la majeure partie de son temps à ses travaux sur la filière confiserie en Auvergne, retracer son histoire et redorer son image.
Rencontre avec Michel POCHET
La confiserie pour la famille de M. Pochet
'C'est une vraie histoire d'amour'
Michel Pochet a été la 6ème génération de confiseurs auvergnats. Cette activité a toujours été une passion pour lui, dans sa famille, la confiserie « c’est une vraie histoire d’amour »
Il a repris la confiserie familiale HUMBERT en 1969, celle-ci comptait une centaine de salariés, et a perduré jusqu’en 1988. Elle ferme suite à la crise de consommation du sucre. En effet entre 1970 et 1980, les nombreuses campagnes anti-sucre ont malmené le milieu de la confiserie. Sur les 12 confiseries que comptait Clermont-Ferrand, une seule a subsisté et les 1000 emplois directs générés par la confiserie n’ont plus été que 35. Cependant, même après la fermeture de la confiserie, M. Pochet continue à en faire chez lui.
L’histoire ancienne de la confiserie
La confiserie, ou “L’art de transformer le sucre”, est ancienne. Celle-ci date d’au moins 4000 – 5000 ans. Des preuves archéologiques attestent que cet art était connu des égyptiens du temps des pharaons. D’autres preuves historiques viennent des écrits romains lors de la guerre des Gaules attestant la présence de fruits confits chez les Arvernes.
La confiserie est liée à 10000 ans de canne à sucre : les Perses la cultivaient en Mésopotamie et les macédoniens sous Alexandre le Grand l’ont développée autour de la Méditerranée. Puis la canne à sucre s’est développée en Amérique.
Le sucre, au départ un produit de luxe ou pharmaceutique réservé aux élites, a ensuite été démocratisé en France sous Napoléon.
Sous Napoléon III et de par l’attrait de l’impératrice Eugénie pour les bains thermaux, les départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier (essentiellement Vichy) étaient prisés par une riche clientèle attirée par les cures thermales. La confiserie a alors connu un essor important à cette époque.
La confiserie que M. Pochet a connue
Il y avait beaucoup de fruits dans la Limagne: poires, prunes, abricots (importés par les invasions arabes au VIIIe siècle avec les amandes), cerises, petits fruits rouges et l’angélique. Certaines variétés étaient particulièrement idéales, par exemple l’abricot Poman Rosé et la fraise Mme. Moutot.
La terre acide et les vents dominants en font une région propice à la pousse de ces arbres. Il y avait 2000 tonnes d’abricots achetés, ainsi que du sucre à la sucrerie Bourdon. La filière faisait travailler les fabricants d’emballages, les emballeurs, les cueilleurs, les producteurs de fruits, les livreurs … cela représentait 100 000 personnes qui touchaient au moins quelques francs grâce à la confiserie dans tout le département.
Les enfants allaient ramasser mûres, framboises et myrtilles sauvages au début du mois de septembre,
“cela mettait un peu de beurre dans les épinards pour les familles, jusqu’à ce qu’un ministre de l’éducation nationale décide d’avancer la rentrée des classes, qui était alors en octobre, au début septembre. Nous n’avons plus eu de petits fruits rouges à confire.”
L’avenir de la confiserie
'Un gars de 30 ans, dynamique et motivé
Les bases sont présentes. Il faudrait “un gars de 30 ans, dynamique et motivé” qui lance son entreprise. Pour que la confiserie se relance, il faudrait un industriel. Mais la matière première est là et il y a une certaine clientèle.
Entretien avec Corinne VALLEIX
Corinne Valleix tient la chocolaterie-confiserie « La royale » à Royat (63). Elle produit des pâtes de fruits de manière artisanale, mais également le « cœur de Royat », qui est sa spécialité. Confiserie gourmande, elle est à base de melon confit, mêlé à de la pâte d’amande, imbibée dans du rhum, et enrobée de chocolat blanc. La forme évoque les cures thermales, très présentes dans la ville, réputées favorables pour le cœur.
D’origine auvergnate, elle nous parle de l’attachement local au fruit confit :
“On sait qu’en Auvergne, ils sont attachés au fruit confit. Moi je vois qu’à Noël, régulièrement, je vends des boîtes d’1kg, 1.5kg de fruits confits. Ils amènent une corbeille qu’il faut décorer avec des fruits confits, ça reste une tradition”.
Pour conclure, elle nous offre cette belle citation, qui témoigne de sa passion :
'Une journée sans sucre pour moi, c'est une journée de perdue'
Rencontre avec Denis CHAUD
« Un paysan sans terres »
Mr Denis CHAUD est un « paysan pas agriculteur » de 56 ans, cueilleur de plantes médicinales. C’est un autodidacte et passionné de plantes, de l’herboristerie des phyto et homéothérapie.
Aujourd’hui, il a une production d’arnica, de gentiane, de miel ainsi qu’un jardin expérimental pour étudier la domestication des plantes sauvages. Il sèche ses plantes chez lui et cueille sur commande pour avoir de meilleurs produits.
Il transforme quelques produits dont un « confit de myrtille » qui est un mélange de miel et de myrtilles séchées.
L’angélique, une passion
'La plante ça veut dire... c'est pas un nom botanique, la plante c'est une couleur, c'est une odeur, c'est un goût. Et c'est à la fin que tu apprends son nom.'
Il y avait pleins de cultures à Clermont, Place des Salins même sur la Place du 1er Mai. Mr Denis CHAUD voit que les producteurs d’Angélique de Clermont laissent une partie des tiges d’angélique après la récolte. Ainsi, il vient récolter ce qui l’intéresse et partage les bénéfices avec les producteurs.
L’angélique est une ombéllifère photosensible, il faut donc se protéger lors de la récolte car son contact est très irritant. On récolte les racines la première année et les graines la deuxième année. Mr Denis CHAUD a essayé d’autres variétés sauvages d’Angélique pour la confiserie, mais sans succès.
À faire à la maison : Le confit d’angélique. La 1ere année les branches sont plus tendres. Faites-les faire bouillir puis tremper-les toute la journée dans du sirop. Répétez cette étape durant 5jours en augmentant la concentration du sirop au fil du temps. Astuce : la saler un peu pour qu’elle garde la couleur verte.
Mr Denis CHAUD a également participé à la réalisation d’un livre sur l’angélique et les produits auvergnats intitulé Poterie, Angélique et Huile de noix : 3 Produits Limagnais.
'Une fois que tu as gouté l'angélique, quand l'on t'en reparle, c'est une odeur, c'est un goût qui va apparaitre'
Rencontre avec Pierre RANOUX
Pierre Ranoux, ancien confiseur chocolatier à Chamalières de père en fils depuis trois générations. Il a repris le magasin en 1980 après une formation de trois ans auprès de son père. Il nous raconte la fabrication artisanale traditionnelle du fameux sucre d’orge auvergnat.
Rencontre avec Pierre SAUVAT
Arboriculteur à St Amand de Tallende et à St Sandoux, M. Sauvat répond à un appel à projet de Chambre de Commerce du Chair il y a 6 ans pour s’installer sur ces terres. Pour ce faire, il est aidé par Terre de Liens.
«Vous connaissez ? […] Ils achètent des fermes, ils aident des gens à s’installer en bio surtout, ils garantissent le maintien des terrains en Agriculture Bio et sur des modèles économiques qui sont éloignés du modèle industriel »
Pierre SAUVAT cultive en Agriculture Biologique plusieurs productions de pommes, pêches, prunes et cerises en restauration de vergers. Il connaît très bien les travaux du Conservatoires des Espaces Naturels d’Auvergne concernant l’identification des variétés originaires de Clermont-Ferrand. Par conséquent, en partenariat, il plante une cinquantaine d’abricotiers issus de variétés locales dont le Blanc d’Auvergne et le Monstrueux de Clermont – pour n’en citer que 2.
« Au niveau abricotiers, C’est beaucoup trop compliqué. Il y a de gros problèmes de maladie sur les abricots. Vous attendez 5 ans que l’arbre produise, […] puis il crève. On plante tout le temps; il faut renouveler en gros 10% du verger tous les ans ce qui représente des investissements et un travail qui est énorme par rapport à ce que l’on produit. »
La vision de Pierre sur la confiserie d’Auvergne est très contrastée ; elle ne représente pas pour l’instant une opportunité à saisir, mais peut l’être si une filière fidèle à leur travail s’organise. Ces citations en témoignent… La confiserie ?
« Pas du tout, pas du tout; je valorise tout en AMAP, toute la production elle-même. C’est d’abord du fruit de bouche, et ensuite ce qui n’est pas vendable en fruit de bouche, j’en fait soit du jus soit de la compote. […] On est tellement peu nombreux en arboriculture localement qu’il n’y a aucun soucis pour vendre nos fruit en frais […] Il y a un marché qui est énorme sur Clermont, la production ne suit pas la demande.»
« La confiserie d’Auvergne a une originalité qui lui est propre. Ça veut dire que demain si la filière Confiserie d’Auvergne se relance avec des grosses productions d’abricot pour faire la base et derrière une commercialisation à grande échelle, à mon avis, il y aura un sacré créneau à prendre.[…] Mais par contre, il faut qu’il relance la production d’abricot. Il ne faut pas qu’ils (Les confiseurs) s’attendent que ce soit les agriculteurs eux même qui la relance […] On ne sera jamais à l’amont de la démarche de la création d’une filière longue. Si c’est eux qui sont demandeurs; c’est à eux d’organiser des choses. Nous (les arboriculteurs bio) pour le moment, nous ne sommes pas intéressés mais demain, on espère bien qu’il y ait des jeunes qui vont s’installer et qu’on sera de plus en plus nombreux. Il y a peut-être quelques choses à faire. »
« Moi je m’intéresse toujours à ce que veulent les confiseurs, parce que quand je les avais rencontré à l’Association (Puy Confit), j’avais l’impression qu’ils étaient très en attente de notre part.[…] Il ne faut pas qu’ils s’attendent à ce que l’on développe le fruit pour la confiserie.»
Pierre remarque qu’il n’y a jamais eu de rencontre de l’interprofession. Néanmoins, il rencontre régulièrement le groupement régional des arboriculteurs bio avec qui il peut discuter de la production, notamment des maladies des abricots fragilisant la filière. En attendant un signe de l’aval de la filière de la Confiserie d’Auvergne, Pierre confectionne personnellement ses confitures.
Rencontre avec Jean ROGER
Artisan confiturier depuis 10 ans
Lorsqu’il était salarié, il a été dans des hôtels et il trouvait que la confiture n’était pas bonne, il a donc voulu en faire des meilleures. Ce fut pour lui, le déclencheur de son activité. Désormais, il fait partie de l’association Puy Confit ® et se sent attaché au patrimoine auvergnat.
Produits
Il n’ajoute ni pectine ni conservateur, ce sont seulement des fruits (60 %) et du sucre. Pour certains fruits ne contenant naturellement pas de pectine, il utilise de l’agar-agar. Il recherche une qualité supérieure par rapport aux confitures industrielles qui ne contiennent que 55% de fruits au maximum.
Il travaille avec des produits locaux mais aussi avec des grossistes car la production locale seule ne suffit pas. Les variétés utilisées sont particulières : adaptées à la création de confiture et ayant un goût intéressant. Il cherche avant tout à mettre en valeur le goût.
Une de ses gammes de produits est à base de plantes, notamment l’angélique achetée à un producteur local. Mais aussi la gentiane, la fleur de sureau, l’origan, l’ail des ours, l’acacia et l’églantine. Il confectionne par exemple une confiture auvergnate appelée “Perle noire des volcans” composée de myrtilles et de gentianes. La « confiture de vieux garçon », elle, est une superposition de couches de fruits de différentes saisons, conservés dans l’alcool, puis transformés en confiture.
Rencontre avec Christophe GATHIER
Christophe GATHIER est bénévole au Conservatoire des Espaces Naturels d’Auvergne. C’est une association créée en 1985 sur le concept de la conservation du riche savoir-faire de la civilisation paysanne afin de le remobiliser dans les aménagements contemporains. M.GATHIER s’occupe plus particulièrement de la partie « verger conservatoire » qui a fait suite à la mise en place d’une formation en arboriculture dans le plan de formation régionale. En 1987, un travail de collecte et d’inventaire sur les variétés et les techniques en arboriculture démarre. En 1990, le premier verger conservatoire naît à Tours-sur-Meymont .
Ces inventaires, leurs ont permis de retracer les différentes phases de développement de l’arboriculture en Auvergne, notamment l’essor des vergers au XIX°siècle et la création de variétés locales comme dans le Livradois.
Les recherches réalisées ont permis de se rendre compte à quel point l’arboriculture était développée et Auvergne et à quel point le paysage s’est métamorphosé.
Mais quel lien fait le CEN-Auvergne entre la conservation des vergers qu’il réalise et la patrimoine des confiseries d’Auvergne.
Jeudi 2 mars 2017
Rencontre avec Thierry CONSTANT
Actuel propriétaire de la chocolaterie-confiserie La Ruche Trianon à Clermont-Ferrand et Aubière, Thierry Constant exerce depuis 1988 en tant que pâtissier-chocolatier-confiseur. D’origine auvergnate, la confiserie est pour lui indissociable du patrimoine de l’Auvergne, c’était donc pour lui logique de perpétuer cette production dans son entreprise.
Pourtant, ce produit est peu consommé, il est apprécié essentiellement lors des fêtes de fin d’année et par des personnes âgées.
Vous avez vu une tendance à la baisse des ventes de pâtes de fruit depuis que vous travaillez ?
« Oui je pense que, depuis 20 ans, la pâte de fruits il s’en vend, mais moins que ce que ça a pu être avant ; parce qu’avant il y avait plein de confiseurs dans le coin et il s’en vendait donc beaucoup plus. Si on revient 40 ans en arrière, forcément il y a eu une baisse ».
Pourquoi cette tendance, plus précisément ?
« La clientèle recherche maintenant beaucoup de produits « chocolat »
Selon vous, il y a une mauvaise image du produit ?
« Pas une mauvaise image, je pense que c’est un temps qui est passé. Les gens recherchent un autre parfum peut-être. Ou alors je pense que c’était une tradition, les gens mangeaient des fruits comme ça parce que ça permettait quand même de les conserver tout au long de l’année mais…je pense que c’est un changement »
Pour vous, quel est l’avenir de la filière fruits/confiserie ?
« Les gens recherchent vraiment une qualité sur des très bons produits »
Chez la chocolaterie LAVIEL
Mme Laviel et Mme Fraisse nous témoignent leur inquiétude quant à l’image de la pâte de fruits, galvaudée par des produits de basse qualité.
Elles nous présentent ici le profil type de leur clientèle. Décrite comme étant relativement âgée, elles constatent cependant un renouveau, avec le retour de consommateurs plus jeunes.
Pour les pâtes de fruits haut de gamme, composées de pulpes de fruits pures, la chocolaterie Laviel utilise encore la table en marbre pour la fabrication.
Rencontre avec Alain MAILLOT
Alain Maillot est attaché de conservation au conservatoire départemental et il travaille actuellement au musée départemental de la poterie.
En 2000, il a participé à réaliser une exposition sur la confiserie et un livre sur le sujet. Dans ce cadre, il a surtout travaillé sur les arbres fruitiers, faisant suite à un travail sur la vigne en Auvergne qu’il avait effectué auparavant. Il s’est particulièrement intéressé aux abricotiers (en particulier une variété très typique de l’Auvergne, le blanc d’Auvergne) car toutes les pâtes de fruits étaient faites à base d’abricot.
M. Maillot apprécie beaucoup les pâtes de fruits et les fruits confits auvergnats qu’il a découverts grâce à son travail pour l’exposition.
Les confiseries servaient de cadeaux des auvergnats aux personnalités importantes. C’était un produit de luxe inaccessible même aux producteurs de fruits. Les consommateurs et les producteurs n’étaient pas les mêmes personnes, les consommateurs étant une clientèle de luxe venue profiter des stations thermales. Ces stations constituaient la principale destination de plaisance au XIXème siècle, apogée des fruits confits.
Il n’y avait pas vraiment de verger à proprement parler mais des arbres fruitiers étaient plantés un peu partout, notamment entre les rangées de vignes. Et après la crise du phylloxera au sud, les vignes auvergnates sont devenues très importantes et très nombreuses (1ère région productrice en 1890). Cette production étant liée à celle des arbres fruitiers, cela les a favorisés. Le climat et les sols auvergnats sont très favorables à la vigne et aux arbres fruitiers. Les érosions des plateaux volcaniques forment des terres de sédiments et de débris volcaniques où ces végétaux poussent particulièrement bien. De plus, le climat plutôt sec leur convient. Cependant les hivers très froids compliquent leur pousse et cela a pu participer à la disparition des abricots blancs d’Auvergne.
La tendance de normalisation des productions au XXe siècle a entraîné la perte de beaucoup de variétés et aujourd’hui, les associations et autres cherchant à retrouver cette multiplicité ont des difficultés pour retrouver des arbres et pour les identifier (peu de descriptions précises des anciennes variétés).
Lundi 6 mars 2017
Rencontre avec Thomas DUMAS
Originaire de l’Allier, Thomas DUMAS est double-actif. En plus de travailler sur le pôle scientifique et technique du Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN), M.DUMAS est également producteur de fruits labellisés en Agriculture Biologique.
Quel est le principal objectif du verger conservatoire du CEN?
« L’objectif principal du verger de sauvegarde est de conserver une grande diversité locale, car il existe de nombreuses variétés traditionnelles intéressantes. C’est par exemple le cas de la poire, avec la Sucrée verte de Montluçon*, la Conte, la Reinette de Morse, etc. En plus de leur rusticité et de leur bonnes propriétés de conservation, certaines variétés anciennes seraient susceptibles de posséder une importante tolérance aux maladies. “C’est [pourquoi il est] vraiment important de ne pas perdre cette Biodiversité. »
Pensez-vous qu’il est possible de valoriser économiquement les spécificités des variétés locales?
« Il est arrivé que certaines variétés anciennes aient été remises au goût du jour, c’est le cas de la Sucrée verte par exemple. Il est intéressant de travailler avec des variétés différentes afin de pouvoir étaler la production et donc proposer des fruits toute l’année à nos clients. Et la demande est réellement présente, “je vends mes fruits en frais et en jus sur le marché et il n’y a aucun problème de commercialisation. J’ai également été sollicité pour des cantines scolaires, mais je ne peux pas répondre à cette demande car je n’ai plus assez de production”.
Et pour la confiserie?
« En ce qui concerne le domaine de la confiserie, il n’y a plus qu’un seul confiseur en Auvergne: la société Cruzilles. Il n’y a actuellement pas assez de production pour pouvoir leur fournir des quantités suffisantes de fruits. Il existe certains porteurs de projet en arboriculture, et des outils sont mis en place par la Chambre d’Agriculture ainsi que par des organismes comme le GRAB (Groupement Régional de l’Agriculture Biologique) afin de les aider à monter leur projet. Bien qu’il existe certains freins à la réalisation du métier d’arboriculteur, notamment l’attente avant de pouvoir commencer à produire (une dizaine d’années), l’engouement de plus en plus grandissant des consommateurs envers le bio et le retour à la production locale pourrait entraîner une bonne dynamique. »
Rencontre avec Christian PERRIER
Originaire des Combrailles, Christian Perrier est un ancien professeur de l’école d’ingénieurs en agronomie de Clermont-Ferrand. Il est aujourd’hui encore engagé dans de nombreux organismes pour la défense et la recherche en agriculture, notamment sur la production de petits fruits.
La filière de la confiserie a pour lui bien changé aujourd’hui :
“ Concernant notamment les pâtes de fruits d’Auvergne, plus de fruits ne viennent de la région, c’est fini ! Par rapport à ce qu’il y avait un siècle, avec ses coteaux orientés, vignes et fruitiers, avec une production originale, l’angélique ! […] Le Pûy-de-Dôme était le premier département producteur d’angélique, 4 ha et des poussières, ça va pas très loin !”
Nous l’avons interrogé sur son point de vue sur l’IGP existante :
“Du côté des signes de qualité en particulier, telles que IGP, AOP , AOC et compagnie, on a rien de concret ! “
“Ça c’est des gens qui en produisent aussi [les artisans chocolatiers], qui ont leur tour de main, ils en ont rien à foutre de l’IGP !”
Comment pressentez-vous l’avenir de la confiserie en Auvergne ?
« Pour relancer la filière, une chose est fondamentale… »
Selon lui, la filière sera très difficile à relancer (ou en tout cas la production de fruits en Auvergne) : les coûts de la main d’oeuvre en France sont très élevés, la protection des cultures reste un problème majeur…
Pour conclure, il nous confie cette citation :
“Dans le vent économique actuel, la qualité sera notre bouée de sauvetage !”